Le fleuve Wouri, 160 kms de long, se meurt à petit feu. Les municipalités de Wouri 4 et 5 sont menacées par la jacinthe d’eau. Une plante aquatique à fort potentiel d’invasion et de nuisances environnementales, économiques et sociales. Arrivée au Cameroun en 1991 par le truchement d’une brésilienne. Cette plante amoureuse des zones tropicales, a migré grâce au pollen. Elle occupe aujourd’hui 33,7% de la surface du fleuve Wouri, l’une des principales portes d’entrée maritime du Cameroun. Gourmande en oxygène, elle menace la survie des autres plantes aquatiques. Aujourd’hui, la pêche est devenue un véritable chemin de croix, les ressources halieutiques se font rares. Les populations riveraines ne peuvent plus aisément partir en pirogue d’un village à un autre. Mieux encore, ils doivent désormais faire front commun pour lutter contre le paludisme. Une maladie qui touche plus 190 millions d’africains selon l’OMS. La situation est en train de s’aggraver avec les changements climatiques. Cependant, les chercheurs du pays imaginent des solutions pour rentabiliser la jacinthe dont les fibres peuvent aspirer les déchets polluants des plateformes pétrolières.
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Debout sur sa pirogue, Martin utilise toute son énergie pour la faire avancer sur les eaux noirâtres du Wouri. Depuis plusieurs mois maintenant, pêcher est un exercice difficile et redouté de tous les pêcheurs du village Mbangué situé sur les berges du Wouri. La jacinthe, la principale ennemie du Wouri avance à grands pas et inquiète. A proximité des habitations ou à la nage, les pêcheurs étendaient aisément leurs filets pour ravitailler les riverains et les petits commerces aux alentours. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. « Regardez comment notre fleuve est recouvert par cette plante. Nous n’arrivons même plus à trouver du poisson ici à côté. Il faut maintenant pagayer sur plusieurs kilomètres pour espérer avoir du poisson. Même se déplacer avec nos pirogues et lancer les filets c’est compliqué, la plante les coupe» explique Martin l’un des pêcheurs du village MBANGUE. Cette plante qui se développe au sein des eaux est également une potentielle cause de paludisme pour les riverains.
A l’arrière des maisons, ruisselle un démembrement du Wouri sur lequel baignent des feuilles de jacinthe. Sur les feuilles vertes, des nids de moustiques qui se reproduisent au fil des heures. Ces insectes vecteurs de paludisme ne vivent pas seulement au-dessus des eaux. Ils s’incrustent de jour comme de nuit dans ces domiciles pour distiller leurs piqures et causer des maladies. « Depuis que la plante jacinthe a envahi notre cours d’eau on a plein de moustiques ici. Les gens tombent régulièrement malade. Le paludisme nous menace nous ne savons plus quoi faire. A notre niveau, on fait le nécessaire pour que les maisons soient propres. De temps à autre, nous voyons des gens qui viennent traiter cette plante pour quelle ne soit plus toxique pour les poissons et pour nous », explique Ewodi Eboua, le chef du village Mbangué. Les tarifs de transports en pirogues ont également doublé. La jacinthe a bouché plusieurs voies navigables.
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Tous les week-ends, les membres de l’association pour la préservation de l’environnement armés de gants et de bâtons livrent un combat sans fin contre la jacinthe. Ils bénéficient du soutien des élus municipaux. Franck Eboua Bonjo, ingénieur halieutique participe aux opérations de nettoyage des berges du Wouri. Il étudie depuis 3 ans l’évolution de la plante et a développé en laboratoire une technique de transformation de la jacinthe. « La jacinthe est mon sujet de thèse de doctorat. En examinant, la plante dans notre laboratoire. Je me suis rendu compte que ses fibres peuvent absorber 80% des déchets pétroliers. Je crois que c’est une aubaine pour la ville qui peut se servir de cette plante, la transformer en fibre pour la commercialiser auprès des plateformes pétrolières. », explique Franck Eboua, qui espère trouver un investisseur dans les prochains mois pour passer à la phase expérimentale de son projet.